Mont-Saint-Michel. La tangue est-elle le futur or gris de la baie ?

MANCHE LIBRE du 6 aout 2025

Environnement. Renan Bouvier, guide de la baie, prêche pour le retour à l'extraction de la tangue en baie pour enrichir les sols.

La tangue est ce sédiment marin de couleur grisâtre qui, au fil des marées montantes, s'accumule naturellement en baie du Mont Saint-Michel. Elle est utilisée comme amendement naturel des terres agricoles depuis le Moyen Age. Aujourd'hui, son extraction, réglementée par l'Etat, se limite à quelques rares usages agricoles et à l'aménagement des pistes d'entraînement pour chevaux. Renan Bouvier, guide de la baie depuis quinze ans, milite pour son usage généralisé en agriculture. Lui-même l'utilise en apport pour les maraîchages de sa ferme autonome en eau et en électricité à Genêts. Selon lui, une extraction plus conséquente de la tangue, aujourd'hui limitée en baie par l'Etat à 10 000m3 par an, aurait également l'avantage de désensabler la petite baie, partie située entre le Grouin du sud, Tombelaine et Genêts.

22 millions de m3 de sédiments en dix ans

"Cette anomalie sédimentaire" est causée, selon ce fin observateur de la baie, par le barrage du Couesnon. Cette machine à désensabler le Mont Saint-Michel a tellement bien travaillé en creusant autour du rocher que les fleuves Sée et Sélune qui divaguaient dans la petite baie, au nord, ont glissé par gravité vers les bas-fonds, au sud. "22 millions de m3 de sédiments se sont accumulés dans la petite baie en dix ans", souligne Renan également, membre de l'Ageb. Les Amis du site de Genêts, de ses environs et de la baie alertent depuis plusieurs années les pouvoirs publics sur cette anomalie. Ils ont été entendus puisque l'Etat a décidé de changer le mode de fonctionnement du barrage depuis le début de l'année. Les lâchers d'eau ne sont opérés que quinze jours par mois afin d'entretenir l'existant.

Renan admet que, depuis la mise en demi-sommeil du barrage, les choses s'améliorent dans la petite baie mais le mal est fait. Soutenu par l'Ageb dans sa démarche, Renan milite pour un retour à l'extraction de la tangue en baie. "A une époque, on arrivait à en sortir 500 000m3 par an." Selon le guide, la tangue coche toutes les cases. "Elle permet de régénérer les sols agricoles de manière beaucoup plus douce que la chaux et les stabilise, évitant ainsi le lessivage. Cela améliorerait la qualité de l'eau. La tangue extraite pourrait être vendue comme du terreau de manière locale. Et c'est une ressource quasiment inépuisable. Il n'en faut pas beaucoup, environ 10m3 par hectare. Si elle était vendue 1€ le litre, moins cher que de la chaux ou des engrais, l'extraction des 22 millions de m3 pourraient rapporter 22 milliards d'euros !"